Côte d’Ivoire – Akouédo : sur les chantiers de l’ancienne décharge (Reportage 1/2).
Côte d’Ivoire - Akouédo : sur les chantiers de l'ancienne décharge (Reportage 1/2).
La décharge d’Akouédo est définitivement fermée depuis trois ans.
Nous y avons fait un tour, pour savoir ce que devient cette parcelle d’une superficie d’environ 70 km² qui a servi de décharge à toute la ville d’Abidjan pendant 53 ans.
Rappel : en 1965, les autorités villageoises cédaient une parcelle de leur terre au gouvernement, afin qu’elle serve de décharge à la ville d’Abidjan.
Pendant plus d’un demi-siècle, les camions de ramassage d’ordures venaient y déposer les ordures collectées dans toute la ville d’Abidjan.
Sur le site, on pouvait trouver aussi de nombreuses personnes, à la recherche de divers objets à recycler.
Elles venaient ramasser des bouteilles en verre, en plastique ou autres objets, qu’elles remettaient à nouveau sur le marché, après les avoir lavés.
Cette poubelle géante à ciel ouvert était aussi le repaire de drogués et autres petits délinquants.
Outre cet aspect, les villageois étaient également exposés à de nombreux désagréments et problèmes de santé liés à la proximité de la décharge.
« C’était difficile de vivre ici à cause de l’odeur des ordures », explique une dame qui tient son commerce dans les environs de l’ex-décharge. « C’était vraiment invivable surtout quand il pleuvait », ajoute un autre habitant.
Les populations ont maintes fois manifesté pour l’amélioration de leur cadre de vie.
Elles sont allées jusqu’à bloquer, le 5 octobre 2014, l’accès à la décharge, pour les camions de ramassage des déchets. Après des négociations avec les pouvoirs publics, les habitants d’Akouédo ont accepté de rouvrir la décharge.
Le gouverneur du district d’Abidjan, Beugré Mambé a réussi à les rassurer que les pouvoirs publics travaillaient à satisfaire toutes leurs doléances.
Dont le traitement adéquat des ordures ménagères déversées dans la décharge et la prise de dispositions appropriées, en vue de leur garantir un bon état santé.
Projet de parc écologique urbain
La décharge d’Akouedo était arrivée à saturation et ne correspondait plus au système moderne de gestion des déchets.
Le gouvernement a finalement décidé de la fermer, mettant également fin aux désagréments subis par les villageois pendant 53 ans.
Le 4 juillet 2019, l’ex-Premier ministre Amadou Gon Coulibaly l’a annoncé lors de la double cérémonie officielle de fermeture et de lancement des travaux de réhabilitation du site.
« La fermeture de la décharge d’Akouedo s’accompagne d’un projet de réhabilitation de cet espace en un parc écologique urbain.
La réalisation de ce projet, d’un coût global d’environ 96 milliards de francs CFA, intègre un accompagnement social qui s’inscrit dans la continuité du soutien de l’Etat à la population villageoise d’Akouedo », avait déclaré Amadou Gon Coulibaly, lors de la double cérémonie de fermeture et du lancement des travaux de réhabilitation du site.
Le parc écologique urbain en question qui sera construit sur une superficie de 100 hectares va comprendre un terrain de football, un lieu de sortie et un centre de formation et d’information à la promotion de l’économie circulaire, c’est-à-dire la gestion utilitaire des déchets.
Un vaste chantier
Nous sommes allés sur le site de l’ex décharge pour savoir effectivement ce qui a changé depuis sa fermeture.
Nous apercevons une première entrée de la décharge surveillée par des vigiles.
Derrière le portail en grille, on constate bien que des travaux sont en cours.
Des machines grattent le sol, de gros camions vont et viennent chargés de terre rouge.
Aucune trace d’ordures.
C’est un vieux souvenir. Celui qui n’a aucune idée de ce que cette zone était, il y a seulement trois ans, ne peut pas croire qu’il y avait là une décharge d’ordures. L’endroit est devenu une vaste surface nue, couverte de terre rouge. Un peu plus au fond, explique un habitant, des fleurs ont même été plantées.
Et du bitume borde cet espace. Aucun accès n’est autorisé aux personnes étrangères.
N’ayant pu obtenir une autorisation d’accès, nous continuons notre visite le long de la clôture érigée pour protéger les travaux.
Nous apercevons les installations de la structure chargée de l’exécution des travaux.
Ainsi, un peu plus vers le bas, le terrain est beaucoup plus visible. La clôture n’est pas encore élevée.
Et pour cause : les travaux n’ont pas atteint ce niveau.
De loin, la verdure a caché les tonnes d’ordures qui y ont été déversées, pendant des décennies.
A des niveaux, on constate des élévations telles des collines.
De plus près, l’on s’aperçoit que les déchets n’ont pas encore complètement disparu.
Ils sont enfouis dans la terre formant ainsi des collines.
Des parties de ces ordures sont visibles sur la surface.
Précisément là, où les herbes n’ont pas encore poussé.
Diomandé Karamoko
Côte d’Ivoire - Akouédo : autour de l'ancienne décharge, des allures de ville moderne (Reportage 2/2).
Et il se formait ainsi dans le sol, à partir de leur décomposition, du gaz méthane dit-on.
Qui, par moments, s’enflammait.
« Même en pleine journée. On pouvait voir les flammes de loin.
Et les ordures brûlaient jusqu
e dans le sol. Quand il pleut, l’eau draine la cendre et le sol s’affaisse.
C’est ainsi que les ordures étaient éliminées. Pour laisser la place aux nombreux chargements d’ordures qui provenaient de toutes les communes d’Abidjan pour y être déversées ».
La décharge était donc une réserve de gaz à ciel ouvert. Ce gaz demeure-t-il toujours enfoui dans le sol ? Sur la question, les réponses divergent.
« Le gaz a déjà été exploité.
C’est pourquoi le gouvernement a décidé de transformer la décharge », explique un habitant.
« On entend dire que l’Etat va faire un centre d’exploitation du gaz sur le site », soutient un autre. Une chose est certaine, c’est que les flammes ne sont plus visibles.
Côte d’Ivoire. Akouédo : sur les chantiers de l’ancienne décharge (Reportage 1/2)
Silence de l’ANAGED et de la chefferie
« Depuis quelques années, Akouédo a beaucoup changé. Avant, nous autres, allions à l’école à pied. Et il n’y avait pas autant de rues bitumées.
Aujourd’hui il y a même une ligne de bus », confie cet homme.
Surtout ces dernières années, beaucoup de réalisations ont été constatées. Plusieurs rues sont bitumées. Le village a un nouveau marché.
Suite à la fermeture du site, le gouvernement a décidé d’accorder un accompagnement social aux populations.
Il s’agit notamment de la réhabilitation et de l’équipement du centre de santé du village, de la construction d’un marché, du bitumage de 2 km de voies. Le gouvernement a également prévu de construire un lycée de jeunes filles.
Le village devra bénéficier aussi d’un appui à la scolarité, sur les années scolaires 2020-2021 et 2021-2022.
« On a eu à faire des travaux au centre de santé communautaire.
Mais je ne sais pas si c’est l’Etat qui en était le maitre d’ouvrage », explique un peintre en bâtiment. Pour ce qui concerne le lycée des jeunes filles,
il n’a pas encore vu le jour.
Mais ce qui est certain, c’est que nombreux sont les villageois qui sont satisfaits de la fermeture de la décharge, à cause des odeurs pestilentielles qu’elle dégageait.
Ainsi que du fait des avancées notables constatées dans le village depuis peu.
« Actuellement, on se sent vraiment mieux », lance cet ouvrier, visiblement heureux de la disparition de ces odeurs que les ordures ont exhalées, pendant des décennies sur le village.
En tout cas, l’ancienne décharge a un nouveau visage.
Le village aussi, connaît un essor avec ce changement.
Cependant, des questions restent pour le moment sans réponse.
Notamment celle concernant le gaz méthane contenu dans les décombres de la décharge. Que devient ce gaz ?
Egalement sur la gestion du site ainsi réhabilité.
Nous avons approché l’Agence nationale de gestion des déchets (Anaged) pour en savoir plus.
On nous a demandé d’adresser un courrier à la Directrice de la structure afin de pouvoir être mieux orienté.
Même son de cloche au niveau de la chefferie du village d’Akouedo.
Des refus plutôt polis de nous recevoir.
Diomandé Karamoko
Enquête expresse/Akouédo: retour sur le site abritant l’ancienne décharge 3 ans après la fermeture (2022).