Le président de la Commission électorale indépendante (CEI), Ibrahim Culibaly-Kuibiert a échangé le mardi 20 juin 2023 avec les partis politiques et les futurs candidats sur les dispositions légales des municipales et régionales du 2 septembre 2023. Présent à cette rencontre, Dr Martial Ahipeaud, cadre du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) dans cette interview, donne son avis sur cette rencontre.
Une rencontre CEI partis politiques a eu lieu hier mardi 20 juin, des décisions ont été annoncées par la CEI. De quoi avez-vous parlé et quel est votre regard sur cette rencontre ?
Le Président de la CEI dit avoir convoqué cette rencontre pour éclairer la lanterne des participants aux prochaines élections sur la question de la participation des femmes, le découpage électoral et enfin la répartition des conseillers par département.
Sur le premier point, le Président de la CEI a indiqué que le quota des 30% devrait être strictement respecté et surtout selon un mode d’alternance spécifique.
Ensuite, il a clairement informé l’auditoire que le découpage n’était pas de son fait en tant qu’institution, mais le résultat d’absence désormais de consensus entre les partis politiques forçant ainsi la CEI à revenir au décret d’application de 2010 de la loi sur la décentralisation.
Une mission d’information sera déployée dès le 21 juin sur toute l’étendue du territoire pour bien informer les populations.
Par ailleurs, il sera aussi mis à disposition, une brochure détaillée rendant compte du mouvement des circonscriptions puisque le décret de 2010 change énormément la place de biens de villages ou lieux de vote.
Enfin, il a instruit les participants sur l’impérieuse exigence de respect de la répartition des sièges entre les départements.
Quelles appréciations faites-vous des décisions annoncées par la CEI ?
Sur la première question du quota, personne ne peut vraiment s’y opposer. Sauf que le concept d’alternance reste suffisamment tortueux pour laisser ouverte toute possibilité d’élimination des listes.
Aussi, imposer un ordre de positionnement des conseillers sur les listes est une situation attentatoire aux libertés des participants. L’organisation des élections ne devrait pas s’impliquer dans celle des participants, mais réguler uniquement le mode opératoire. A
u nom de quel principe de droit la CEI exigerait à une liste féministe d’avoir trois adjoints hommes et trois adjointes femmes pour les circonscriptions à six Adjoints au Maire ?
Qui plus est, le président de la CEI n’as pas précisé la base légale de cette histoire d’alternance des positions, lui qui souhaite que nous lui accordions la bonne foi.
Qui plus est, il n’est pas capable de nous dire comment la circonscription du Plateau aurait 7 000 habitants pour 80 000 électeurs ?
Deuxième constat est que si la CEI n’est en rien responsable de ses dysfonctionnements organisationnels et de ses insuffisances institutionnelles, pourquoi elle ne ferait pas des propositions concrètes pour sortir le pays des crises « postélectorales ? »
Car le Président de la CEI n’est pas comptable des dirigeants politiques gestionnaires de ses démembrements à la base dans les sous-préfectures et départements.
Par conséquent, pourquoi la CEI ne ferait pas des propositions concrètes aux partis, au gouvernement et aux Ivoiriens pour une réorganisation stratégique de la Commission ?
Espérons seulement que le prochain atelier annoncé ne sera pas comme la réunion du mardi 20 juin 2023, mais un moment de brainstorming en profondeur pour que cette institution prenne toute sa place dans la démocratisation effective du pays.
Pour le moment en tout, la CEI reste un outil de prise ou perte du pouvoir. Je retiens que ce n’est pas l’élection qui est dangereuse, mais l’Institut chargé de l’organiser.
La question des irrégularités dénoncées sur la liste électorale, a-t-elle été évoquée au cours de la rencontre ?
Bien sûr. Mais le Président a botté en touche en rentrant dans la rhétorique syntaxique et juridique de l’erreur et de la faute.
La CEI serait de bonne foi et corrigerait ses erreurs. On attendra de voir si ces erreurs seront corrigées.
Mais sa crédibilité comme administration est lourdement entamée.
Jusqu’où selon vous, l’opposition pourrait aller pour obtenir la résolution des anomalies constatées sur la liste électorale ?
Le président Laurent Gbagbo a fait le déplacement pour aller parler à l’institution.
Voilà ce que l’opposition fait.
Il appartient, comme le dit le Président de la CEI lui-même, que la Loi reste la seule boussole.
D’aucuns évoquent la non-participation de l’opposition aux élections locales 2023 comme option en cas de non-satisfaction des points soulevés contre la liste électorale. Etes-vous de cet avis ?
Jamais une non-participation à une élection n’a été une solution.
Pourquoi ?
Parce que le principe de l’élection est celui du voleur et du gendarme.
Même dans les démocraties dites avancées, la fraude est présente. Il appartient aux opposants de mettre en place une stratégie d’alliance tactique au plan local, de verrouiller la journée électorale par la transformation qualitative de leurs scrutateurs en la première barrière défensive et de planifier leur campagne sur la durée.
Un maire ou un président de région qui veut vraiment faire le développement, a la jeunesse à sa disposition et doit prendre un engagement ferme avec elle, à partir des scrutateurs, afin de changer des vies. S’il ne le fait pas et les considère comme des ouvriers d’un jour, il n’y a pas de raison qu’il pleure en raison de la fraude.
Je dis même que ce candidat est un fraudeur du rêve d’un mieux-être et mieux vivre des électeurs.
Réalisée par Arnaud Houssou