Dans une vidéo récemment diffusée sur les réseaux et dont Afrikipresse a obtenu copie, Tidjane Thiam aborde la question de sa radiation de la liste électorale provisoire en Côte d’Ivoire.
Loin d’apporter des éclaircissements solides sur sa situation, l’ancien patron du Crédit Suisse confirme en réalité ce que ses détracteurs avancent depuis plusieurs semaines :
il a été naturalisé français à sa majorité, en 1987.
Or, selon le Code électoral ivoirien, ce statut le rend inéligible à l’inscription automatique sur la liste électorale, sauf renonciation claire à cette nationalité étrangère.
C’est là le véritable nœud du débat.
Le reste de son propos, teinté de mélodrame et d’humour, semble davantage destiné à séduire ses militants et l’opinion occidentale qu’à convaincre les autorités ou les juristes.
Quand Thiam avoue, à demi-mot…
Dans cette séquence montée à partir de l’émission satirique ivoirienne des années 1990 « Mensonge d’un soir » de You René, Tidjane Thiam livre, sur un ton faussement léger, des déclarations lourdes de sens :
« Tous ces gens qui s’agitent ne savent pas que c’est Houphouët qui m’a dit de rester à l’étranger. […] Il m’a dit : “Tu as fait de telles études que ça va être difficile de trouver un patron ici. […] C’est en France que tu vas continuer à apprendre, à te développer.” »
Il enchaîne ensuite avec ce qui ressemble à un aveu voilé :
« Maintenant, je n’avais jamais fait de papiers français.
Les gens ont commencé à chercher une solution.
Les Français ont dit que c’était simple, qu’ils allaient me naturaliser. »
Une déclaration qui contredit ses précédents démentis sur sa double nationalité et confirme qu’il a bien acquis la nationalité française à sa majorité, en 1987 — date à laquelle il n’avait pas encore entamé sa carrière internationale.
Victimisation, déni et stratégie de diversion
Dans le reste de la vidéo, Tidjane Thiam s’attarde sur son éloignement du pays, sur les violences politiques et sur ses relations avec Houphouët-Boigny.
Il évoque aussi sa proximité avec des figures du Comité international olympique, sa notoriété mondiale et son engagement pour la Côte d’Ivoire.
Mais derrière ce récit, beaucoup voient une tentative de détourner l’attention du vrai sujet : la légalité de son inscription sur la liste électorale.
Il s’indigne que « les porteurs de kalachnikovs » osent aujourd’hui lui contester sa place dans le débat politique, sans jamais citer de noms.
Il se dit victime d’un système qui l’aurait marginalisé, alors même que sa naturalisation — même involontaire selon ses dires — devrait suffire à clore le débat juridique.
Une réalité juridique implacable
En Côte d’Ivoire, la loi est claire : nul ne peut être inscrit sur la liste électorale s’il détient une autre nationalité que la nationalité ivoirienne, sauf s’il y renonce expressément et de façon prouvée.
Et dans le cas de Tidjane Thiam, aucun document officiel n’atteste à ce jour d’une telle renonciation au moment de son inscription sur la liste électorale provisoire en 2022.
De plus, l’argument selon lequel sa naturalisation aurait été imposée ou automatique est irrecevable : en droit français, la naturalisation est un acte volontaire, signé et accepté.
Un conte de fée qui vire au malaise
« C’est depuis ce jour que la Reine d’Angleterre m’a invité à déjeuner », conclut-il dans la vidéo. (ON S’EN FOUT)
Mais ce conte de fée, entre humour, nostalgie et victimisation, risque fort de se heurter à une dure réalité : celle d’un homme qui pourrait bien voir son avenir politique ivoirien compromis pour une question de droit… et de vérité.
Philippe Kouhon 