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Grand angle – Société : Patrick Grah (Inspection du travail) : « Il faut dénoncer ces entreprises ».
Grand angle - Société : Patrick Grah (Inspection du travail) : « Il faut dénoncer ces entreprises ».

Grand angle – Société : Patrick Grah (Inspection du travail) : « Il faut dénoncer ces entreprises ».

Grah-Patrice
Patrick Grah (Inspection du travail) : « Il faut dénoncer ces entreprises ».

Grand angle - Société : Patrick Grah (Inspection du travail) : « Il faut dénoncer ces entreprises ».

 

Dans cette interview, Patrick Grah, Administrateur du travail et des lois sociales, sous-directeur du contrôle de l’application de la législation à la Direction de l’Inspection du Travail lève le voile sur le sujet du téléphone rose.

Quel regard le ministère de l’Emploi porte-t-il en général sur cette nouvelle activité professionnelle qui a le vent en poupe : le téléphone rose avec des animatrices coquines ?

C’est un phénomène qui est relativement nouveau et très inquiétant.

L’inspection du travail veille au respect de l’application de la législation du travail.

Ce phénomène tel qu’il nous est présenté a tout l’air du travail dissimulé.

Parce qu’il y a une première architecture qu’on présente, qui est le call-center, qui est une activité licite et qui n’appelle pas d’attention particulière.

Lorsque les équipes de l’inspection du travail procèdent au contrôle dans ces entreprises, nous regardons les conditions de travail, les règles relatives à la santé et à la sécurité au travail, les obligations salariales, etc…

Là-dessus même nous sommes en train de réfléchir parce qu’il faut mettre un dispositif de prévention, étant donné que les longues heures d’écoutes au téléphone pourraient avoir des répercussions.

Donc pour revenir au sujet, c’est par derrière, avec vous, que nous apprenons qu’il y a une activité dissimulée.

Parce que les travailleurs sont recrutés pour un travail bien donné dont l’objet est détourné par la suite, si on en croit vos propos. Ce sujet pose aussi la problématique de la licéité du contrat.

La difficulté majeure que nous avons, ce sont les travailleurs eux-mêmes. Avec toute notre bonne foi, nous ne pouvons pas être présents partout. L’État fait sa part mais les travailleurs doivent faire leurs parts.

Au sortir de nos échanges avec des animatrices coquines, il est ressorti qu’elles ne sont pas informées au préalable des tâches réelles de cette activité jusqu’à leur recrutement.

Ce mode opératoire de recrutement de ressources humaines est-il légal et conforme à vos dispositions ?

Quand tu signes un contrat de call-center pour le service après-vente ou de la promotion de produits et une fois au sein de l’entreprise on te fait faire le téléphone rose, ça devrait alerter.

La pauvreté ne justifie pas tout. Ces filles devraient saisir les services de l’inspection du travail et se renseigner.

Si cela était arrivé, nous aurions recensé les entreprises, programmé un contrôle d’urgence, ciblé et spécial.

Nous aurions diligenté une enquête tout en protégeant l’identité de la travailleuse sur place. Mais dans d’autres cas, une fois sur place, de peur de perdre leur travail, malgré toutes les garanties, les employés abusés dissimulent l’information eux-mêmes.

C’est à croire que les travailleurs se font complices de la violation de leurs droits. Il faut dénoncer.

Quand on vient dans l’entreprise et qu’on fait les enquêtes, il n’y a pas de collaboration franche, sincère et profonde des travailleurs.

L’inspection du travail a tout un dispositif, toute la volonté, mais pour que les effets soient pertinents on a besoin de l’engagement de ceux aux profits de qui le travail est fait.

Le code du travail ivoirien dit qu’il faut exécuter le travail pour lequel vous êtes embauchés.

L’objet du contrat ici est de faire de la télévente au téléphone.

Quand on vous présente un autre travail qui n’a rien avoir, il y a un détournement de l’objet et de la dissimulation de travail.

Je ne donnerai pas de réponses tranchées parce que je ne suis pas un juge.

A quelles actions pouvons-nous nous attendre de votre part ? 

Nous agissons dans le cadre des textes.

Nous allons diligenter des contrôles, collecter le maximum d’informations sur ce phénomène.

Nous allons déployer une action terrain pour laquelle nous invitons à la collaboration de chacun des acteurs.

Il est important que les gens témoignent.

Nous allons sensibiliser les employeurs sur les risques potentiels auxquels ils s’exposent s’ils se font prendre.

Nous allons aussi sensibiliser les travailleurs.

Comme le dit un penseur, les textes ne sont pas des tentes faites pour le sommeil.

Dans notre activité d’application des textes, nous décelons les failles et nous faisons des contre-propositions.

La législation ivoirienne a par exemple évolué avec la consécration du télétravail.

Ce phénomène de téléphone rose prend de plus en plus d’ampleur selon vos propos, nous allons le prendre à bras-le-corps et  faire des propositions afin que les organes en charge de l’édiction des textes puissent prendre le relais.

Mais il n’ y a rien de plus difficile que d’aider quelqu’un qui ne montre pas d’intérêt pour cette aide.

Nous sommes là pour vous assurer un travail décent.

Lors des contrôles, les employeurs ne collaborent pas.

Ces personnes font peut-être du travail dissimulé mais ce n’est pas du travail forcé.

https://www.nordsud.info/call-centers-dans-lunivers-de-la-prostitution-au-telephone/

Le code du travail semble muet sur ce sujet. Ce vide juridique ne facilite-il pas l’exercice de cette activité en Côte d’Ivoire ? 

Cette question ramène à la licéité de l’objet du contrat.

Le code du travail n’a pas ambition à trancher cette question.

C’est plutôt le droit civil. Je vous prends l’exemple d’une maison close ou d’une entreprise dont l’objet est de vendre la drogue.

La répression de cette activité ne relève pas de notre ressort.

C’est vrai que nous sommes inspecteurs du travail, nous sommes compétents sur tout ce qui est travail, mais nous n’avons pas une compétence absolue dans tous les aspects.

Il appartiendra à une juridiction donc de se prononcer sur la licéité.

Vous pouvez voir le tribunal de 1re instance, la police des mœurs, le ministère de la Famille, de la femme et de l’enfant.

Surement que les juridictions se sont déjà prononcées sur la question, c’est leur rôle de faire la loi. Nous veillons sur la dignité humaine au travail.

Vous dites faire la promotion du travail décent. Cette activité n’est-elle pas en porte-à-faux avec cette présumée promotion ? 

Tout porte à croire que la dignité de la gent féminine est bafouée.

Au regard des circonstances, ça nous interpelle.

Nous nous insurgeons du fait que les concernées ne nous aient pas saisies.

Nous sommes très réactifs.

Nous avons un plan de contrôle.

A l’absence des travailleurs qui témoignent, comment pourrait-on être informés.

L’Etat fait sa part, aussi longtemps que les travailleurs concernés ne font pas leur part, on aura du mal à adresser ces problématiques.

 

https://www.nordsud.info/telephone-rose-la-reaction-du-ministere-de-la-femme/

Pourquoi n’y a t-il pas de franche collaboration entre vous et les autres acteurs, notamment le CEPICI, le ministère de la Justice et le ministère de la Femme ?

C’est une très belle remarque. L’inspection du travail est le creuset de toutes ces collaborations.

Nous collaborons déjà, mais, cette synergie n’a peut-être pas atteint son point d’orgue, nous en appelons à sa dynamisation.

Ce n’est pas le cas dans tous les secteurs mais c’est un processus.

Grâce à vos alertes, les différentes structures comprendront notre rôle et dynamiserons ce type de collaboration pour le bien de l’ensemble des travailleurs exerçant sur le territoire ivoirien.

Charles Assagba   NORD SUD

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